Complainte de Saint-Leu sur Saint-Denis

A l’Église Saint-Leu
Vit mon mari,
A l’Église Saint-Leu,
Rue Saint-Denis, à Paris.

Mais que fait-il là ton mari ?
A Saint-Denis tout près des Halles ?

Il a échoué là, le pauvre homme,
Avec des drogués des ivrognes,
Il a échoué là, le pauvre homme
Avec d’autres gueux malheureux
Avec des gueux à sale trogne.
A l’Église Saint-Denis,
Dans la rue sous les néons,
sous les néons rouges et borgnes.
Rue Saint Denis où tout se vend,
et des femmes aussi
entre deux boutiques d’habits.

Comme il est gris, comme il est gris,
Le pauvre ciel de la rue Saint-Denis.
Voyez-vous ce clocher noir ?
C’est le clocher du désespoir,
Rue Saint-Denis, rue Saint-Denis
où l’on vous vend aussi l’espoir
entre de grands murs gris
hauts murs et crucifix.
L’espoir en forme d’hostie,
L’espoir en pain béni,
L’espoir en vin de messe
Pour les ivrognes qui vont à confesse,
Pour les désespérés que la vie blesse,
Ceux qui n’ont rien, même plus de hargne,
Ceux qui n’ont rien sinon leur âme.

Mais que fait-il ici ton mari ?
Il se rachète mon ami,
Il rachète sa pauvre vie.
Du caniveau il se relève, mon mari,
pour embrasser le Christ béni.
Et que pourrait-il faire d’autre, mon apôtre ?
Il a tué son amour et sa vie,
Il a tout perdu, son enfant, son chez-lui :
Sans feu ni lieu, vivant d’oboles,
Le pauvre homme, le pauvre homme.

Et que fait-il maintenant ton mari,
A Saint-Leu, rue Saint Denis ?
Il est mort en vrai croyant, mon ami :
Six planches, un crucifix,
Six planches et une écharpe blanche.
Des oraisons et puis des roses,
De l’eau aussi, et puis du vin béni.

Il n’avait plus rien le pauvre homme,
Car j’étais morte et mon enfant aussi.
Il n’avait rien sinon l’espoir :
L’espoir pas cher, en habits noirs.

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Dimanche 10 octobre 2010



09/09/2011
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