Je n'irai plus à l'école
C’est lundi, un lundi de janvier
Comme tous les lundis, j’ai bouclé mon cartable ;
Un cartable bien rempli : j’avais bien fait
Tous mes devoirs
C’est pour ça que mon cartable était plein
Ce matin.
J’ai pris ma clef, comme d’habitude,
Et puis je suis sortie sur le seuil de ma maison.
J’avais la clé à la main,
J’allais poser le cartable ;
Mon beau cartable en cuir noir,
Mon cartable gonflé de savoir :
J’avais tout noté, tout était prêt,
J’avais tant travaillé…
Et puis, j’ai dit « non » ;
Non, je n’irai pas à l’école ce matin
Ni plus aucun matin.
Non : je ne veux plus les voir
Avec leur sourire en coin ;
Avec leurs yeux ennuyés
Ou apeurés
Ou fatigués
Leurs yeux déjà si vieux ;
Et leurs corps affalés.
Leur silence
Qui est un vacarme ;
leur vacarme
Qui est un silence.
Bonjour, vous avez vos livres ?
Non, nous n’avons pas de livres
Pourquoi se charger de livres,
C’est trop lourd les livres.
Mais regardez, moi j’ai fait mes devoirs
Je vous ai tout préparé,
Vous ne voulez pas savoir ?
Non, nous ne voulons pas savoir.
Nous ne voulons rien savoir.
Ce qu’on aime bien, c’est crever
les pneus des voitures
surtout vos pneus.
On aimerait mieux vous crever les yeux
Mais on n’ose pas faire mieux.
On ne veut pas de vous,
On ne veut pas de votre savoir.
On ne veut pas de votre amour.
Votre amour, on s’en fout :
Nous, on sodomise nos copines
dans les caves,
On s’éclate avant de crever,
Car on le sait, on va crever.
On est déjà trop vieux.
Pas de place pour nous.
Plus d’espoir.
Que l’espoir de faire chialer
Une petite prof :
Dans notre banlieue prison,
Tous les profs sont des matons.
Non, je n’irai plus à l’école.
J’irai dans un hôpital psychiatrique ;
Les infirmières y seront gentilles
On me donnera des cachets.
Car voyez-vous,
Nul ne comprendra
Pourquoi j’ai quitté ce métier-là.
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30 mai 2010