En rentrant du travail
- Pourquoi…
– Pourquoi quoi ?
– Pourquoi tu m’en as pas parlé…
– Parlé de quoi ?
– Non, de qui…
– Bon ! Parlé de qui ?
– De la voisine.
– Quoi, la voisine ?
– la voisine… tu sais bien..
– Quelle voisine ? Je ne parle jamais des voisins.
– Oui mais tu parles à la voisine.
– Hein ? Je parle à la voisine ? Quelle voisine ,
– Tu sais bien… la voisine du premier…
– Et alors, qu’est-ce qu’elle a, la voisine du premier ? (voix off : « C’est toujours la voisine du premier »
– D’abord elle est mieux maquillée…
– je sais pas. je ne regarde pas les voisins.
– Si, les voisines…
– Bon ! Elle est mieux maquillée que qui, cette voisine ?
– Mieux que moi, tiens ! Et elle est plus jeune. Bien plus jeune.
– Plus jeune que qui ?
– Plus jeune que moi, tiens !
– Et alors ?
– Comment « et alors » ?
– Ben oui, elle est mieux maquillée que toi, elle est bien plus jeune… et alors ?
– Et alors, quoi ?
– Et alors, qu’est-ce que t’entends par là ?
– Moi ? Mais j’entends rien ! Je vois…
– Ah ? Et tu vois quoi ?
– Je vois comment tu la regardes.
– Quand ça ? Je regarde pas les voisins.
– Si, tu la regardes !
– Ah ! Bon ? Quand ça ?
– Quand elle monte l’escalier.
– Mais je te dis que je regarde pas.
– Qu’est-ce que tu fais alors ?
– Je pense…
_ Ah ! Et tu penses à quoi ?
– Je sais pas. A mon boulot, peut-être à l’escalier…
– Qu’est-ce qu’il a l’escalier ?
– Ben… peut-être qu’il aurait besoin d’être réparé. Tu n’as pas vu ?
– Vu quoi ?
– La marche branlante après le tournant.
– Ah ! C’est bien ce que je disais…
– Tu disais quoi ?
– Sur la voisine : tu t’inquiètes pour elle, c’est ça.
– Je m’inquiète de quoi ?
– Tu a peur qu’elle ait un accident… Remarque, ça t’arrangerait, pas vrai ?
– Mais pourquoi enfin ! Pourquoi ça m’arrangerait !
– Ben, comme ça, tu pourrais la prendre dans tes bras.
– Hein ?
– Ben oui, la « soigner », quoi…
– Comment « la soigner » ? Je suis pas docteur, moi. Je suis informaticien.
– Oh ! Et puis ça suffit !
– Qu’est-ce qui suffit ?
– Cette discussion, de toute façon tu es comme les autres.
– les autres quoi ?
– Les autres hommes, enfin.
– Et quoi ? Tu veux dire quoi ? Ils sont comment d’abord les autres hommes ?
– Tous les mêmes !
– Ah ? Tu trouves que je suis pareil que ton cousin Robert ?
– Non, j’ai pas dit ça. Mon cousin est chauve, d’abord. Et en plus il est gay.
– Mais c’est très bien d’avoir un cousin gay. Et il est chauve ?
– T’avais pas remarqué ?
– Non, je te dis, je regarde pas les voisins.
– Mais c’est pas un voisin, c’est Robert ! Il est chauve et gay !
– Ah ! Bon, alors il doit être encore plu drôle.
– Bon ! Je te parlais pas de Robert, d’abord…
– Tu parlais de quoi ?
– Je parlais des hommes, des hommes comme toi…
– Quoi ? Tu penses que Robert n’est pas un homme parce qu’il est gay ?
– Mais non ! Arrêtes de noyer le poisson !
– Quel poisson ?
– Tu sais ce que je veux dire : la poissonne.
– Mais il n’y a pas de poissonne ici, de quoi tu parles ?
– De qui !
– Euh… de la voisine ?
– Ben oui…
– Bon, qu’est-ce qu’il se passe avec la voisine ?
– Tu es amoureux d’elle, avoue-le !
– Euh…. Ah ?….
– Ben oui, ça se voit.
– Et comment tu vois ça ?
– ça se voit à la façon dont tu la regardes.
– Je regarde jamais les voisins.
– Ni les voisines ?
– Juré, craché.
– Qu’est-ce que tu regardes alors ?
– Mes pieds, et de temps en temps l’escalier.
– De toute façon, je vois bien que tu me regardes plus.
– Pourquoi veux-tu que je te regarde ?
– Si tu étais amoureux tu me regarderais…
– Je te regarderais comment ?
– Comme au début, tiens, avec des yeux de merlan…
– Encore les poissons ? Je n’y connais rien en poissons. Je suis informaticien.
– C’est bien ce que je disais…
– Quoi ?
– Tu ne m’aimes plus.
– Et toi ?
– Quoi, moi ?
– Et toi, qu’est-ce que tu fais, à part espionner les voisins ?
– Ben, je pense à toi toute la journée, je te prépare du cassoulet…
– Ah ! C’est vrai, il est génial ton cassoulet. Et à part ça ?
– Ben, je m’occupe, je fais la lessive, je vais au supermarché…
– Pour quoi faire ?
– Pour t’acheter à manger, pardi !
– Ah ! Bon ? Et toi, qu’est-ce que tu manges ?
– La même chose que toi… qu’est-ce que tu crois ?
– Bon, alors dis pas que tu fais les courses juste pour moi.
– J’ai pas dit ça ! (elle se met à pleurer)
– Mais tu l’as insinué pas vrai ?
– Et la voisine ?
– La voisine ? Je vais te dire : peut-être que je vais me la faire.
– Mais pourquoi ?
– Parce que tu m’y as fait penser. C’est peut-être bien une bonne idée.
– Mais pourquoi, tu l’as même pas regardée !
– Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que tu m’emmmerdes !
– Tu te ferais n’importe qui parce que je t’emmerde ?
– Oui, figure-toi : même ton cousin Robert !
– Mais Robert est chauve …(elle se remet à pleurer)
– Oui, mais lui au moins il est gai.
– Et la voisine ?
– Je sais pas. Demain je la regarderai.
– Et si tu la trouves moche ?
– Tu as dit qu’elle était belle, jeune et bien maquillée.
– Bon… Bon… D’accord…. mais… euh…est-ce que je peux me taper le plombier ?
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9 avril 2010