Le monstre
Le monstre
Il y a, il y a
Quelque chose au fond de moi.
Avez-vous bien regardé, vous,
au fond de vous-même ?
Et avez vous trouvé au fond,
tout au fond de vous même
Cette même chose
ce quelque chose
sans nom… Qu’est-ce donc ?
Comme une faim,
comme une rage,
comme une brulure.
Ou bien suis-je la seule ?
Est-ce que je nourris un monstre
sans le savoir ?
En moi, au tréfonds de moi,
Un monstre affamé, enchaîné.
Un monstre qu’on fait taire
En jouant aux cartes,
en faisant des vers,
en lisant des polars le soir
pour s’endormir
sur des histoires de complots,
des histoires de meurtres
avec de longs couteaux, des révolvers,
des oreillers sur la bouche, du poison,
des enfants dépecés, de sales histoires…
Ou en travaillant, ou en bavardant
« Bonjour, il fait bien beau
Et comment va le petit » ?
Ou en faisant semblant d’écouter les oiseaux
Ou en faisant la vaisselle, ou la cuisine,
Ou bien l’amour,
Ou en buvant un verre,
ou en regardant la télé.
Mais vous, avez-vous regardé en vous ?
C’est facile vous savez…
Trop facile même.
Il suffit pour cela de s’allonger ;
De fermer les yeux
De se concentrer,
Et puis de ne plus faire attention à vos pensées
(« Est-ce que j’ai bien éteint le gaz ?
Demain, qu’est-ce que je mets ? »)
Mais ça devrait être interdit.
A moins que je ne soies une exception
-un monstre-, comme j’ai dit.
Ou plutôt, une victime abritant un monstre,
qui souvent me fait pleurer
pleurer de rage, pleurer d’amour,
je ne sais…
Mais le monstre c’est moi, non ?
Alors je me relève ;
Je prends des barbituriques.
Quelques fois, ça marche :
Le monstre s’endort
Et alors, je m’endors.
Ou alors, je me relève encore
Et puis j’écris, j’écris, j’écris
Et vous, pourquoi écrivez-vous ?
Avez-vous un monstre au fond de vous ?
Un monstre que vous n’avez pas su apprivoiser ?
Ou écrivez-vous pour vous délasser,
Ou parce que vous pensez avoir du talent,
Ou pour épater le public,
Ou pour faire jouir le monstre,
le monstre enragé,
le monstre affamé
le monstre non apprivoisé.
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octobre 2010