Poète gai, poète triste
Il existait naguère un poète fort gai
Qui n’écrivait que sur la joie et la romance.
Les petites fleurs bleues, les oiseaux l’égayaient
Lui inspirant des vers qui exaltaient la chance.
Il y avait aussi un poète aux yeux tristes
Inspiré tous les jours par la mélancolie.
Il ne riait jamais, ce malheureux artiste
Et passait ses journées allongé dans son lit.
Pourquoi donc me lever ? Pourquoi cette habitude ?
Je suis si bien, loin du monde et de sa folie.
Pourquoi sortir dehors ? Ce n’est que solitude.
Seulement pour écrire il se levait la nuit.
Le poète très gai rencontrait le succès
« Chantez, dansez, riez », exhortait-il sans cesse
Profitez de la vie et de ses bienfaits ;
Buvez ce vin si doux qui vous monte à la tête.
Le poète bien triste aurait voulu changer,
Ne plus se lamenter, écrire un grand chef-d’œuvre
Y parler de batailles, les esprits exalter,
Que ses vers, ses enfants, soient partout répétés.
Bien sûr il les lisait, ces vers de mirlitons,
Tout juste bons à dire à la Saint Valentin…
Mais il était jaloux, car ces vers étaient bons.
Et lui, pauvre poète n’écrivait presque rien.
Pourquoi suis-je poète… Peut-être par paresse ?
Je préfère rester tout le jour dans mon lit ;
Je n’ai pas d’autre enfant que mes produits d’ivresse :
Et pourtant je le sais : je meurs si je n’écris.
Prince, qui écoutez, exhaussez-donc ce vœu :
Que le poète gai voit un jour la tristesse
Et qu’il tende la main au poète orgueilleux
Enfermé tout le jour en facile tristesse.
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23 septembre 2010