Ecrit pas tout à fait automatique
De la plume au va et vient ininterrompu s'écoule un sang cru qui a l'odeur douceâtre du temps et l'amertume des pensées inachevées. Les mots cependant se tissent, d’un bout du monde à l’autre, sans que personne n’y veille ; il y a multitude de toiles entrecroisées. Multitude de mots. Les mots rugissent sans qu’on les entende. Parfois les toiles craquent sous les mots.
Pendant ce temps, les jours noircissent ; les tours et bâtiments de béton s’effondrent dans des précipices et les barbares s’avancent, triomphants. Du haut de la montagne de l’Est, des Sages surveillent les massacres plus ou moins tranquilles. Ils ont des lorgnettes et regardent de l’autre côté du soleil : tout cela est normal, même les rats courant sur les cadavres et les poutrelles des navires échoués.
On voit d’abord s’élever des objets et des paysages inédits : des coupoles d’or et des minarets à Paris ; à Manchester, des buildings d’architecture romaine dressés sur des pitons rocheux. Des musées gambadent dans les campagnes. A Sofia, quelques bâtiments s’émiettent dans les tasses de café.
Est-ce l’éveil ? Est-ce le réveil ? Des peuples sans pareils, aux corps neufs, se lèvent dans les décombres, rutilants, tandis que les rats s’enfuient et que les corbeaux crient. Mille autres oiseaux s’élancent, sortis des fissures de l’immatérielle réalité. Et les barbares caparaçonnés descendent les avenues sur leurs chevaux de fer, bardés d’armes automatiques.
Nous entrons dans le règne de la démesure, et nous y entrons en nous réjouissant dans des fêtes démesurées où l’on peut mourir de bonheur. La température monte, les glaciers bouillants fument, les jetées se perdent dans la mer. Notre sang va-t-il refroidir ? Prions.
Les Sages restent hors du temps ; les fleuves charrient les cadavres de l’histoire. Et l’histoire n’est pas finie…
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26 juin 2010