Je moi

 

Cela commença par de l’ennui. Un ennui tellement lourd que je me mis à jouer au scrabble -seule. Le degré zéro du fonctionnement cérébral… Mais il fallait bien meubler ces longues plages de vide où mon cerveau, sourd à toute stimulation extérieure, ne savait que me faire bailler.

 

Mais très vite, j’en eu plus qu’assez de ces longs monologues avec les petites lettres carrées. Ce jour-là, je ne terminai pas la partie : je rangeai méthodiquement les pièces dans leur petit sac, le petit sac sur le plateau, le plateau dans la boîte, et la boîte sous la table du salon. Puis, je me pris le menton dans les mains, et je versai quelques larmes molles.

 

Que faire ? Si j’avais pu me perdre dans le travail… mais justement, j’en manquais. Et de plus, ce travail me dégoûtait.

 

Que faire ?

 

Je décidai d’explorer mon moi intérieur… Voyons… Qu’y avait-il d’intéressant là-dedans ? Rien. Sinon des images et des pensées qui entraient et sortaient sans me demander la moindre autorisation… Des pensées plus sottes les unes que les autres, des images incongrues.

 

Puis, de façon brutale, je découvris que j’existais. Peu de gens ont conscience d’exister en fait : ils dorment, se réveillent, vaquent à leurs tâches quotidiennes, font la cuisine, passent l’aspirateur, embrassent leurs enfants, tout cela dans une inconscience parfaite. Je les envie. De temps en temps des émotions les traversent, des idées leur viennent. Comme ils sont heureux -même malheureux- ces passagers de la vie (un jour ils meurent).

 

La conscience d’exister vient souvent avec l’ennui, je crois. L’ennui est très mal vu en France et dans de nombreux pays. Quand on a du temps à soi, on fini par découvrir les abysses du « je » et du « moi ». Ô, je ne parle pas de ce masque qu’on appelle « personnalité » : ce n’est qu’un bon chien qu’on dresse et qui fait des tours pour nous amuser.

 

Le jour où je me suis trouvée face à moi, plus de rigolade, croyez-moi.

 

Depuis, je ne sais que faire de moi. Parfois j’ai envie de me jeter par la fenêtre avec mon moi, parfois j’ai envie de l’assommer ou de l’étrangler. Satané moi. Et je sais que je vais me le

trimballer encore quelques années.

 

La folie, c’est où, s’il vous plaît ?

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Mercredi 20 octobre 2010



07/09/2011
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