Marine
Passe le temps dans un bruit sourd,
Passe l’hiver sur mes doigts gourds.
L’été fut froid et sans ivresse,
Le vent emporte ses promesses.
Un navire a quitté le quai :
Vois : la grand-voile disparaît.
Un tourbillon dans les nuages
Avec mes rêves en naufrage.
Sur les pavés mouillés de brume
Je vois mes pieds léchés d’écume.
Les jours s’en vont et mon cœur las
Regrette sans savoir pourquoi.
Et je songe à cet équipage
Embarqué loin sous les orages ;
Marins rieurs que rien n’arrête
Leurs cris, la houle et la tempête.
Ô ! Qu’un seul rafiot usé vienne
Mangé de sel et de lichens.
Sur la grève, sans matelots,
Apporté de nuit par les flots.
Carcasse noircie, bois vaincu,
Vomis par l’Océan déçu :
Vienne ton heure qui est mienne,
Aux galets rongés de la peine.
Bateau berçant les coquillages,
Bois flottant sans plus de ravages,
Lassé des rêves océans,
Bois qui revient au Continent.
Allons, cette tristesse est mienne,
Mouillant au port, comme la tienne :
Sur le quai un marin pleure
Ce vieux rafiot usé qui meurt.
Passe le temps dans un bruit sourd,
Passe le vent, passe l’amour.
Je vais pouvoir enfin pleurer
Le bateau au grand mât blessé.
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22 septembre 2010