Sont-ce des soeurs ?
On dit qu’elles sont les deux faces d’une même réalité ;
On dit aussi que l’autre face n’existe pas
Et pourtant, par delà le large fleuve aux eaux noires
Je la vois qui me fait signe.
Je ne l’ai pas beaucoup courtisée, je l’admets :
Je l’ai même un peu ignorée -voire méprisée…
On me vantait tant les attraits de l’Autre…
L’Autre, vous savez, la Courtisane.
L’Autre qui vous fait toujours courir ;
L’ Autre chienne.
Celle à qui personne n’a jamais rien demandé,
Mais qui commande -vous savez, avec ses airs
de ne vouloir que votre bien.
L’Autre danseuse, avec son collier de fleurs et de fruits.
Regardez bien : sa bouche barbouillée de sang ;
Regardez bien : ses fruits putrides
Regardez-là, ses yeux cruels
Voyez comme elle danse sur des monceaux de crânes.
La Menteuse ; la Voleuse de sérénité ;
Son ventre qui n’en a jamais assez. Jamais assez d’expulser
ses enfants hurlant de peur.
Figurez-vous qu’elle se veut même éternelle : elle en voudra toujours,
encore et encore, des enfants à dévorer, des chairs à torturer.
Regardez bien autour de vous : son magnifique théâtre.
Tout y est si bien caché : les fleurs s’épanouissent, l’herbe verdit,
l’alouette, ivre de joie, fleurte avec les cieux ;
Et sa table ! Ses mets parfaits pour les corps et pour les cœurs.
Goûtez… Mais goûtez vite avant qu’elle ne vous empoisonne.
Car elle vous empoisonnera, c’est fatal.
Elle n’avouera jamais que c’est Elle : non, c’est l’Autre.
L’Autre, Celle qui n’existe pas : l’Autre que Dieu n’a pas voulu.
L’Autre, la Mauvaise, avec ses habits sombres
L’Autre silencieuse.
Celle qui ne fait rien d’autre qu’attendre
De l’autre côté.
L’Autre, l’envers de la Volonté.
L’Autre qu’on veut ignorer, mais qui nous consolera tous.
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30 août 2010